Si vous avez suivi l’E3 2019, vous avez forcément entendu parler du Cloud Gaming, cette nouvelle technologie qui propose de jouer à n’importe quel jeu sur tous vos appareils connectés à internet. Entre Google Stadia, le xCloud de Microsoft ou les offres de Cloud Computing comme ce que propose Shadow, le Cloud Gaming risque fortement d’impacter l’eSport tel que nous le connaissons.
Qu’est ce que c’est que le Cloud Gaming, et comment ça fonctionne ?
Le Cloud Gaming est une technologie permettant de jouer aux jeux les plus récents en qualité maximum et en 60 images par seconde directement depuis son smartphone, sa TV connecté ou encore un vieux PC, du moment que ceux-ci soient connectés à Internet. Le jeu ne tourne en vérité pas directement sur ces appareils, mais sur des serveurs hébergés dans de gigantesques Data Centers, qui se chargent de renvoyer un retour vidéo sur votre machine, via un streaming. Dans l’absolu, ce n’est pas très différent de ce qu’il se passe lorsque vous faites un partage d’écran sur Skype ou que vous utilisez la fonctionnalité Bureau à Distance de Chrome.
L’intérêt pour les éditeurs de jeux vidéo est évidente, puisqu’elle permet à n’importe quel utilisateur d’appareils connectés (c’est-à-dire tout le monde) de devenir un client potentiel, sans avoir à débourser une fortune pour acheter un PC ou une console dernier cri.
Quel impact sur l’eSport ?
Faisant suite au point précédent, cela signifie que de plus en plus de joueurs vont pouvoir se lancer dans l’eSport, et donc démocratiser un loisir qui pour le moment peut sembler réservé à une niche. C’est d’autant plus vrai quand on considère des offres comme le Stadia de chez Google, qui sera disponible gratuitement dans sa formule de base et qui permettra de rejoindre la partie d’un streamer sur l’appui d’un simple bouton. Car même si l’eSport, et le jeu vidéo en général, sont devenus des passe-temps tout à fait communs en France ou aux États-Unis, il n’en va pas forcément de même pour les habitants des pays en voie de développement, là où l’achat d’une machine dédiée au jeu peut représenter plusieurs mois de salaire. Dans ce sens, cela signifie que le Cloud Gaming risque d’ouvrir la porte à une toute nouvelle génération de joueurs qui vont pouvoir enrichir la communauté du jeu compétitif. Et c’est une excellente nouvelle ! Mais pour ce faire, il faudra au préalable que les acteurs du marché relèvent quelques défis qui risquent de ralentir l’arrivée du Cloud Gaming dans tous les foyers.
Des contraintes légales et techniques à surmonter
On le sait, les législations en vigueur sont propres à chaque pays, et une activité proscrite dans un état peut être tout à fait tolérée dans un autre. Et il en va de même pour le jeu vidéo, et notamment en ce qui concerne la liste des jeux autorisés à la vente. Saviez-vous par exemple que GTA V était interdit en Australie ou au Brésil ? Et c’est cette différence juridique d’un pays à un autre qui risque de donner la migraine à Google et consorts. En effet, comment gérer au sein d’un service globalisé des différences législatives locales sans que certains utilisateurs ne se sentent floués. Imaginons que j’achète GTA V sur Stadia, et que je parte faire mes études en Australie, que se passe-t-il avec le jeu que j’ai légalement acheté avant mon départ ? Me sera-t-il impossible de le lancer, alors que j’ai pourtant dépensé de l’argent pour l’avoir ? Pourrais-je le lancer, au risque d’être dans l’illégalité vis-à-vis du pays dans lequel je me trouve ? Faudra-t-il que j’utilise un VPN pour jouer sur le Cloud, comme certains joueurs utilisant ExpressVPN pour pouvoir accéder aux jeux en ligne bannis en Chine ? Dans le cadre d’une offre plus proche du Game As Service, comme le Microsoft Game Pass, qui reprend dans les grandes lignes le modèle de Netflix mais appliqué au jeu vidéo (un catalogue de jeux utilisables en illimité, avec des différences d’une région à une autre), ce souci est alors plus facilement gérable. Peut-être que Google sera obligé de passer par ce type d’offre pour pouvoir proposer une expérience similaire à tous ses utilisateurs.
Encore faut-il que ces derniers aient une connexion suffisamment rapide pour pouvoir accéder au service en question. C’est en effet le second souci que devront gérer les fournisseurs de Cloud Gaming, puisque le débit minimum nécessaire pour une expérience de jeu satisfaisante est à priori de 10 Mbit/s. Cela signifie donc un accès à la fibre optique. Mais quand on sait que la majorité du pays n’est toujours pas couverte par la fibre, on peut facilement imaginer que le Cloud Gaming sera, au moins dans un premier temps, un service réservé aux habitants des grandes métropoles, tandis que les bourgades plus modestes devront prendre leur mal en patience. De la même manière, la distance entre votre machine et le Data Center le plus proche aura forcément un impact sur le temps de latence entre vos actions et le moment où ces dernières seront prises en compte dans votre partie. Si pour des entreprises comme Microsoft ou Google, qui possèdent des serveurs presque partout dans le monde, cela ne sera pas forcément un énorme problème, cela risque fortement de limiter la possibilité de l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. Ou alors ces derniers seront forcément dépendants d’un GAFAM pour pouvoir proposer une qualité de service satisfaisante, ce qui explique peut-être le rapprochement récent entre Nintendo et Microsoft. En effet, le constructeur japonais a d’ores et déjà fait quelques tests sur la possibilité de mettre en place une offre de Cloud Gaming sur la Nintendo Switch, notamment à travers un partenariat avec Ubisoft permettant aux joueurs japonais d’accéder à Assassin’s Creed : Odyssey directement depuis la console de Nintendo.
Le Cloud Gaming va très certainement impacter notre loisir comme aucune autre technologie auparavant, en permettant à n’importe qui de se lancer dans l’eSport simplement depuis son téléphone. Peut-être que c’était justement le dernier coup de pouce qu’attendait l’eSport pour pouvoir prendre son envol et passer d’un hobby de niche à un loisir grand public ?
Et vous, pensez-vous que le Cloud Gaming va révolutionner le jeu vidéo ?
Allan Kinic est le fondateur de l'agence Kinic. Expert en communication et marketing sportif, il anime régulièrement des formations et des conférences sur le sujet. Il accompagne les clubs, ligues et fédérations depuis de nombreuses années.
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pingback L'e-sport, est-il un sport comme les autres ? - Kinic Sport says
16 mars 2023 at 11 h 11 min[…] est un sport comme les autres reste ouverte et dépend de la perspective adoptée. Cependant, l’essor de cette pratique en tant qu’industrie à part entière ne peut être ignoré. Cela soulève des questions sur l’avenir de l’e-sport et son interaction avec les […]