C’est devenu la routine, un élément indispensable à toute retransmission télévisée d’un évènement sportif, et pourtant tout le monde est d’accord pour dire que son intérêt est très limité. Les supporters comme les journalistes, tout comme les entraîneurs et les sportifs, il n’y en a pas un qui ne reconnaît pas l’absurdité d’interviewer les joueurs quelques secondes après la fin d’un match, pendant une partie ou durant une pause dans celle-ci. En général, on se retrouve avec des copier-coller de déclarations identiques et vides qui sont presque devenues des réflexes.
Beaucoup de bruit pour rien
Et dans le football, le sport le plus médiatique, certaines expressions reviennent à longueur de journées : « L’important, c’est les 3 points », « Il va falloir mieux faire », « L’équipe qui marquera en premier aura un avantage », et certaines phrases tournent bien souvent au ridicule : « Pour gagner, on va devoir mieux défendre et mieux attaquer », « On n’a pas bien joué, donc on a perdu ». Et pourtant, au coup de sifflet final, Paganelli et consorts se jettent sur les joueurs encore transpirants pour leur poser des questions elles-aussi toujours identiques, ce qui laisse peu de place aux joueurs pour innover de toute façon.
Un autre élément terrible de ce genre d’interviews est la langue de bois, qui se pratique surtout chez les entraîneurs, dans le but de ne provoquer aucun remous tant tout ce qu’ils peuvent dire peut prendre rapidement des proportions insensées. Des éloges de l’autre équipe au refus du statut de favori, de l’absence d’annonce d’objectifs précis à la réticence à critiquer tel ou tel joueur suite à une mauvaise performance, les interviews des entraineurs, pourtant réalisés bien plus en amont ou en aval des parties, ont souvent l’air d’un jeu du chat et de la souris entre journalistes et coaches, et c’est un exercice important à maîtriser pour les deux parties.
Mais tout n’est pas à jeter
Alors pourquoi s’acharner ? Pourquoi tant de répliques absconses à des questions idiotes ? Pourquoi tant d’heures d’échanges insipides et d’attentats à la grammaire ? Parce que, de temps en temps, par une déclaration inattendue, une réaction à chaud ou un raisonnement éclairé, les sportifs arrivent parfois à nous surprendre et nous faire voir leur sport d’une autre manière. Que ce soient les scènes de joie dans les vestiaires après une grande victoire, les saines colères des entraîneurs contre un groupe désuni, les remerciements sincères des joueurs de tennis au public après un tournoi émouvant, le sport regorge encore de petits moments ainsi où l’Homme prend le dessus sur l’athlète, et où l’on peut alors se sentir plus proche de ces héros pas comme les autres.
Un très bon exemple actuel se nomme Killian Mbappé. Le joueur de 20 ans ne fait pas qu’affoler les compteurs en Ligue 1 et battre tous les records de précocité, faisant partie des buteurs du championnat à chaque journée ou presque, mais il a aussi souvent impressionné par ses déclarations d’avant-match et d’après-match, à la fois pleine de maturité et de contrôle mais aussi d’une réelle vision et passion du jeu qui fait plaisir à voir pour un gamin éduqué mais non formaté.
Un juste équilibre encore à trouver
Attention toutefois à ne pas aller trop loin dans la recherche de scoops et de réactions à-vif que les sportifs regrettent souvent très vite quelques heures plus tard via leurs comptes Twitter, à part leurs critiques envers le corps arbitral. Le point de non-retour a peut-être été atteint en août dernier, quand un gardien de but a répondu aux questions d’un journaliste en plein match, via une oreillette, alors qu’il se trouvait encore sur le terrain. Certes ce n’était qu’un match amical entre les Stars de la MLS aux États-Unis et la Juventus de Turin, mais cela pourrait augurer une ère où les interviews deviendront plus importants que le sport lui-même.
Si la plupart des entretiens sportifs sont peu intéressants et surtout bien trop nombreux, même si certains sports comme le cyclisme ou le tennis savent se retenir, ils ont le mérite parfois de nous faire découvrir un côté sinon invisible du sport de haut niveau et même, à de rares occasions, de nous faire vivre des moments de grâce, notamment lors des Jeux Olympiques où des athlètes talentueux mais rarement sous le feu des projecteurs se livrent de manière bien plus belle et entière que les basketteurs ou footballeurs aux propos vus et revus.
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Allan Kinic est le fondateur de l'agence Kinic. Expert en communication et marketing sportif, il anime régulièrement des formations et des conférences sur le sujet. Il accompagne les clubs, ligues et fédérations depuis de nombreuses années.